Un jour, promis, j'arrêterai de m'excuser de ne venir ici que quand je suis gonflée de peine, de ras-le-bol, de colère, bref, de négatif.
Un jour aussi, j'arrêterai de m'en vouloir de me plaindre alors que j'ai dans le fond tellement de chance.
Mais là, j'ai vraiment envie / besoin de me plaindre et de m'épancher. Et de faire un peu comme si j'étais la plus malheureuse du monde, alors même que je sais bien que....
M'enfin bref.
Je passe mon temps à me convaincre que tout est bien comme c'est déjà. Que j'ai un fils merveilleux, que j'ai déjà autour de moi tout ce qui suffit amplement à mon bonheur.
Je me convaincs si bien qu'il m'arrive même de me demander si dans le fond, j'ai tant envie que ça d'un autre enfant.
C'est dire le travail d'autopersuasion permanent auquel je me livre.
Je me dis qu'on retrouve progressivement un semblant de vie en dehors de notre merveilleux bonhomme, que je n'ai peut-être plus la force de repasser par là où je suis passée, qu'un enfant, c'est non seulement déjà merveilleux, mais qu'en plus, ça peut être génial une famille à trois.
Je modèle les plans de la maison différemment, j'invente de nouvelles utilités aux pièces vides, et je finis par trouver ça vraiment chouette. Vraiment. Sincèrement.
Et puis il y a les jours où je me dis que je me passerais volontiers des prises de sang et autres examens plus ou moins intrusifs, du thermomètre dans le derrière le matin au réveil avant même d'avoir le temps de me demander quel jour on est, des rendez-vous médicaux à répétition, de l'attente de l'enveloppe contenant les résultats, des déceptions, de la tristesse dans les yeux de l'autre, de tous ces événements quasi quotidiens qui finissent nécessairement par peser sur mon moral, mais aussi sur ma vie de couple.
Les jours où je me dis que je voudrais être libérée de tout ça.
Ne faire l'amour que pour faire l'amour. Que quand on en a envie. Et plus jamais quand il faut, alors qu'on sait pertinemment que le "quand il faut" ne mènera nulle part, mais que je ne peux m'empêcher de croire quand même que peut-être....
Parce que je ne serais pas la première qui aurait une surprise.
Parce que je suis incapable de m'enlever du cerveau cette possibilité.
Je remarque qu'insidieusement, tout ça est devenu une partie intégrante de ce que je suis, de ma vie de chaque instant, que c'est toujours sous-jacent.
Sous-jacent quand je programme nos sorties, nos week-ends, sous jacent quand je modèle mon emploi du temps, les gardes complémentaires de mon fils.
Sous jacent aussi dans mon moral, parce que je deviens irritée et irritable quand la nature déjoue mes plans, et que mon emploi ne coïncide plus avec ce que j'avais justement recherché.
Je ne supporte plus quoique ce soit qui puisse me fatiguer quand c'est la période propice, parce que je me dis que je gâche mes chances.
Sauf que je me dis que je me gâche la vie à raisonner comme ça. Et qu'à force de me dire ça, je gâche mon sommeil, et on repart dans un cercle vicieux pas bien agréable.
Mais tout ça, j'arrive malgré tout tant bien que mal à le laisser dans un coin de mon crâne la plupart du temps.
Mais c'est plus fort que moi, ça ressort puissance 100 000 quand j'apprends les grossesses inattendues.
J'ai eu un mal atroce en août, quand j'apprenais devant mon ordinateur, le jour où mes règles revenaient après ma fausse couche, la grossesse d'une copine qui n'essayait même pas d'avoir un bébé.
J'avais beau me raisonner, je n'y arrivais pas.
J'ai été infecte ce jour-là. Rien ne passait, rien ne pouvait me sortir de l'espèce de rage qui me tenaillait. Rage, c'est le mot.
Et puis c'est passé.
Il y a eu d'autres moments. Moins forts cependant.
Et puis le week-end dernier, quand nous étions chez mes beaux-parents, ma belle mère, parlant du cousin de mon homme et de sa femme, qui viennent dîner le soir de Noël " ah et puis elle est encore enceinte celle-là".
Mes yeux ont spontanément rejoint ceux de mon amoureux.
Et j'ai vu passer dans son regard la même chose qui passait dans les miens.
Et quand on a été seuls, ce qu'il m'a dit a confirmé ce sentiment.
Bon sang, ils ne s'aiment pas, lui passe son temps à déprimer pour des raisons lambdas, elle est infecte avec lui et ses parents, et elle est enceinte ?
Et je vais devoir assister à ça le soir de Noël ???
Sans compter que j'ai déjà fait mes calculs : à Noël, je ne boirai pas d'alcool. Par pure bêtise puisque j'ai bien compris que mon corps ne sait plus faire ce qu'il faut pour que je puisse faire un bébé.
Mais toujours la même chose, je me dis que si jamais..... Alors quand arrive le moment qui est entre ce qui pourrait ressembler à une ovulation et les prochaines règles, je ne bois pas la moindre goutte d'alcool. Pour ne pas hypothéquer quelque chose qui ne peut pas exister.
Suis-je donc stupide, ridicule et pathétique...
Et ce matin. Une amie virtuelle. Qui a appris ce week-end qu'elle était enceinte alors qu'elle non plus ne le cherchait pas. Ils songeaient bien à un autre bébé, mais n'avaient pas encore commencé à "essayer".
J'ai beau essayer, j'ai beau me rappeler tous mes beaux discours intérieurs, juste là, ça ne fonctionne plus.
J'ai juste envie d'aller m'enfermer chez moi, dans les bras de mon amoureux, et d'oublier. De ne plus rien entendre.
De ne plus rien attendre.
De pleurer. De m'exiler du monde avec ma petite famille.
C'est ridicule, ce n'est pas dramatique, je sais.
Mais juste là, moi, ça me rend tellement..... tellement.... Je ne sais même plus.
J'en ai marre, voilà.